Quitte à faire le voyage sur 2 jours, nous en avons profité pour rendre visite à notre copain Benoît, co-fondateur d’Asterion Wheels sur Lyon, qui nous a fait visiter sa petite entreprise: merci!
Il a même voulu me prêter de nouvelles roues carbone à jantes larges pour la compétition, mais on a préféré ne rien changer à la dernière minute.
Nous sommes tout de même repartis avec deux cakes au citron, car notre monteur de roue émérite est également un excellent pâtissier! :-)
Mercredi en fin d’après-midi, nous arrivons sur Montgenèvre, après avoir traversé l’interminable tunnel de Frejus et serpenté quelque peu en Italie.
Il fait relativement froid, un peu gris. Les pentes sont abruptes et recouvertes de sapins: cela fait longtemps qu’on n’avait pas revu la montagne!
Après notre installation dans un chalet-hôtel-spa (Anova), assez luxueux, on rejoint le parcours pour une première découverte.
Le vent est cinglant; les températures sont apparemment tombées très récemment. Nous retrouvons à pied d’œuvre le grand organisateur de ces championnats: Jean-Yves Conan, toujours à fond, en train d’installer des barrières.
Sachant qu’il est l’auteur du circuit, on peut s’attendre à du très corsé! ;-)
Les descentes sont courtes mais raides et très caillouteuses: on n’a pas l’habitude de ce genre de terrain (je note dans ma tête: « construire un pierrier à la maison » ;-)).
On poursuit sur la 1ère partie, très physique avec une longue montée en lacets sur le flanc de la montagne. Nous sommes en compagnie de la meilleure junior française, Loana Lecomte (qui a fait 7ème aux Mondiaux!) et de sa collègue de club, toutes deux très sympathiques. Loana, qui possède un solide bagage technique, nous montre les trajectoires dès qu’on attaque la descente.
Il y en a une, en virage en épingle à gauche qui est très tendue avec une dalle rocheuse impressionnante. Pour l’instant, nous n’osons pas nous lancer.
La suite est assez chaotique mais on se laisse aller.
On aborde ensuite le Rock Garden: de grosses marches sous forme de blocs de pierre et de rondins: il peut faire peur mais s'enroule bien, même à faible vitesse.
On reprend la seconde partie technique; on bloque à nouveau sur des difficultés mais on commence à trouver nos marques.
La descente composée de gros rochers, qui est la nouveauté du circuit, ne passe toujours pas pour moi. La dernière, pleine de pierres roulantes ne me met pas à l’aise non plus.
On est donc dans un état d’esprit assez mitigé après cette première reco: certes on a le physique (et encore, nous n’avons pas ressenti l’effet de l’altitude pour l'instant), mais la technique dans ce type de descente un peu « chantier » n’est pas notre point fort.
Le jeudi 14 juillet, c'est la fête nationale mais aussi celle du VTT qui va commencer dès l’après-midi par les épreuves de XCE (XC Eliminator).
En fin de matinée, on retourne apprivoiser le redoutable parcours: on y met les moyens, tout comme les autres coureurs, en repassant plusieurs fois les difficultés, en cherchant les meilleures trajectoires, et essayant de vaincre l'appréhension dans les descentes. Les entraîneurs des teams encouragent tout le monde, donnent des conseils. On est agréablement surpris du bon état d’esprit général: personne ne râle; chacun attend son tour pour passer, le tout dans la bonne humeur quel que soit le niveau.
Physiquement je me sens bien, mis à part que je commence à subir l’effet de l’altitude dans la longue montée; on est quand même à 1900 mètres. Cela se traduit par un essoufflement important, sous le seuil cardio PMA. Ensuite le cardio sature et ne monte plus. C’est bizarre, assez dur à supporter, mais ce sera pour tout le monde pareil, excepté pour ceux qui vivent à la montagne.
Alors que j’en suis à mon 10ème essai dans la dernière descente pour enfin être à l’aise (après 3 échecs, 1 chute), Julien Absalon déboule à toute allure; ce doit être la première fois qu’il la descend, car il se fait surprendre et déclipse un pied. :-)
Phil a travaillé aussi de son côté. Il a repris confiance; ce n’est pas trop mon cas: je ne suis pas satisfaite notamment de mon manque de motricité.
Je sens vraiment le stress monter, beaucoup plus que sur le France de cyclo-cross par exemple, car il y a cet aspect « risque » à gérer en plus sur ce circuit de VTT de haut niveau.
Après avoir repris des forces à midi, on se repose puis on va chercher les plaques, dossards et transpondeurs. C'est une excellente idée de regrouper toutes les disciplines du VTT pour le championnat de France: on peut côtoyer les trialistes et les descendeurs (que l'ont voit décoller sur les sauts de la fin de piste).
On passe ensuite voir le Team Pro Fermeture, la top équipe bretonne, qui nous accueille chaleureusement. Ils nous proposent de faire l’échauffement chez eux demain pour ne pas avoir à déplacer notre camion, qui dort paisiblement dans un parking souterrain.
En fin d’après-midi, les épreuves de XCE débutent: Anaïs, notre championne de Bretagne va jusqu’en finale et avait largement sa place sur le podium, au vu de son temps de qualif, mais fait une petite erreur qui la relègue en 4ème position. On comprend sa déception mais depuis elle a accroché une magnifique 9ème place samedi en Espoir dames, malgré quelques soucis mécaniques.
Le soir au resto de l'hôtel, on se retrouve sur la table voisine de celle du champion olympique de VTT 1996: Miguel Martinez himself! On n’ose pas l’aborder car il est en pleine discussion avec son amie, en italien… :-)
Je passe ensuite une mauvaise nuit: hyper angoissée, je rêve des descentes et de chutes en tout genre… Cela promet!
Vendredi matin, c’est le jour J. On apprend avec effroi les terribles évènements survenus à Nice. On essaie de ne pas y penser; les infos anxiogènes sont à proscrire pour l’instant: on doit se concentrer sur la course.
Phil hésite à faire une dernière reco. Pour moi ce sera repos. J’en ai assez eu.
On passe voir le staff du Comité de Bretagne arrivé la veille: la pétillante cadette Maïna est déjà prête à aller rouler. Elle est aussi étonnée de la difficulté du parcours. Aux dires des habitués, c’est le circuit de XCO le plus élitiste qu’on ait jamais eu!
Elle me donne une astuce pour la fameuse descente à la dalle rocheuse, sur laquelle je bute toujours: apparemment on peut descendre plus facilement en se faufilant sur la gauche, en évitant toutefois d'embrasser le petit sapin qui fait le coin. :-)
J’y penserai tout à l’heure!
Arthur, son entraîneur, me conseille judicieusement de dégonfler mes pneus: je dois au moins être à 1.8 bar, alors que mon gabarit me permet de rouler à 1.2, surtout que je suis équipée de sections en 2.25.
On dépose également tout notre matériel au stand du team Pro Fermeture: roues de secours, home-trainer, pompe… C’est une sacrée logistique!
A midi, nous dégustons des Gatosport Overstims (ayant oublié les miens à la maison), gentiment préparés par le chef cuisinier de l’hôtel.
Alors que la course des Junior dames démarre, sous l’ovation du public et du meilleur speaker de France, Eric Davaine, Phil se prépare pour y aller.
Je suis le Live sur Internet: Loana est en tête et réalise une énorme performance quand on voit son temps au tour (très proche de celui de Pauline FP le lendemain)! Je suis contente pour elle. A une honorable 13ème place, on retrouve Océane, la bretonne du team Cube Côtes d’Armor.
La course de Phil démarre à 15h; je suis hyper stressée, pour lui comme pour moi. Pourvu qu’on ne se fasse pas mal, qu’on n’ait pas de regrets et surtout qu’on prenne du plaisir!
Un tel déplacement, un tel investissement dans notre passion nous met la pression pour atteindre nos objectifs.
Afin de me calmer, je finis par consulter ma messagerie pro et commence à répondre à mes mails de boulot! Cela peut paraître étrange mais ça me vide la tête et me permet de me concentrer sur autre chose.
Vers 15h30, je prends mes affaires, enfourche mon fidèle VTT Open, et descends vers les stands.
Phil et les autres coureurs bretons sont toujours en course.
J’installe mon TillStart (home-trainer) et commence à m’échauffer: il fait meilleur, dans les 18°C mais avec de bonnes rafales de vent. Cela me convient parfaitement; on dirait des températures bretonnes!
Les gars ont terminé: Phil est mitigé; il a souffert de l’altitude et n’a pas pu s’exprimer comme il le souhaitait dans les côtes; l’un des cadors l’a aussi fait tomber dans la dernière descente où il lui a fait l’intérieur, plutôt que d’attendre 2 secondes… Il est quand même 24ème de sa catégorie et il est passé propre dans les côtes techniques sans jamais poser le pied. Je suis fière de lui!
Crédit photo: PixelBike
Anecdote: c’est Julien Conan, super vététiste breton, qui ouvre toutes les courses avec son VTT électrique!
16h30: c’est mon tour d’y aller.
On se met en grille derrière les Masters « 50 ans et plus » : nous sommes une douzaine de dames.
Certaines ont beaucoup plus d’expérience que moi au niveau national (coupes de France, championnats…) et j’ai bien peur de ne pas être au niveau.
J’ai dans la tête ce que m’a dit Arthur hier: tout se joue dans la longue montée, au physique. C’est là qu’il faudra faire la différence.
Maïna vient m’encourager sur la ligne: sa joie de vivre me donne la pêche!
16h45: c’est le départ dans l’effervescence. Je me faufile de suite entre les dernières lignes de masters hommes pour espérer grimper sans être gênée.
Mais assez vite on doit poser le pied, pour repartir aussitôt.
Je suis essoufflée; coup d’oeil au cardio: seulement 160 puls! Pourvu que je ne sature pas déjà… :-(
Mais je rentre progressivement dans mon effort; les jambes répondent bien; je gère mon souffle; le cardio monte tranquillement tandis qu’on gravit la montagne.
J’atteins finalement la PMA au sommet, c’est quand même rassurant même si je me sens bridée par l'altitude. Sur le premier faux-plat descendant, vent de dos, je remets du braquet pour doubler un peu.
J’ai l’impression d’être en tête des filles, mais je n’en suis pas sûre.
On commence à descendre en enroulant plusieurs épingles qui nécessitent de la concentration, avant d’arriver à la fameuse dalle. Je prends la trajectoire de Maïna sur la gauche, spéciale petits gabarits, et en effet ça passe! Lentement mais sûrement, je poursuis jusqu’en bas. J’ai gagné un peu de temps sur ceux qui sont passés à pied.
En bas, les spectateurs commencent à s'amasser de part et d’autre du Rock Garden. J’entends les encouragements des bretons: c’est énorme, merci à vous!
Crédit photo: Paul Foulonneau
J’enchaine ensuite sur la zone technique (où m’attendent les roues de secours qui j’espère ne serviront pas, et Phil avec le ravitaillement).
Je me sens boostée pour remonter vers la 2ème partie du circuit.
Crédit photo: PixelBike
Toutes les descentes passent bien, parfois un peu en vrac; je relance sur l’unique partie roulante du circuit avant de grimper à nouveau: j’adore ce genre de côte en singletrack technique.
Même la dernière descente ne me pose pas de souci malgré le tas de cailloux accumulé en bas. C’est la fin du premier tour. Je rejoints la zone d’arrivée sur l’herbe et apprends que je suis bien en tête; ça alors!
Tout le monde s’y met: le papa de Marine me donne les temps dans la zone de ravitaillement, tandis que celui de Maïna fait de même un peu plus haut.
Visiblement c’est dans la longue montée que je creuse l’écart. Alors je donne tout, malgré cette sensation d’être à court de souffle.
Lors de ce second tour, je commets quelques erreurs techniques (pose de pied) qui me coûteront sans doute quelques secondes.
Il faut rester concentrée; Stéphane, mon coach, me l’a bien dit.
En bas, je descends le Rock Garden: c’est assez drôle finalement!
Le papa de Maïna m’annonce que je continue de gagner du temps, mais que je ne dois surtout pas faire de fautes. Message reçu.
Manque de bol, à la dernière descente, je regarde trop ma roue avant (mon gros défaut) et m’affale sur le côté gauche. Pas de de mal; je repars aussi sec.
Les encouragements me redonnent de l’énergie: je suis à fond pour le dernier tour!
Une dernière fois la longue montée, avec tout ce que peuvent donner mon petit "moteur" et mes jambes heureusement bien présentes aujourd’hui, une dernière fois la descente rocheuse, dont je n’ai plus peur, une dernière fois le Rock Garden, puis le passage dans la zone technique pour récupérer un tube « coup de fouet » que me tend Phil…
« Pas de faute, pas de faute! » me crie Jean-Noël, le papa de Maïna… Je grimpe tout propre les dévers (que j’aime ce pneu arrière! :-)), me faufile dans les ornières, relance sur la passerelle, roule en équilibre sur les cailloux de la zone à trajectoires multiples. Je pose juste le pied sur les gros blocs, pour ne pas prendre de risque et repars sur le roulant, où j’appuie, j’appuie, avant d'entamer l’ultime côte: là je savoure, d’être là, d’avoir vaincu mes angoisses, de prendre du plaisir sur mon VTT… Je me laisse glisser dans la descente caillouteuse, le regard loin devant, avant de filer vers la zone d’arrivée, à fond!
Je croise Phil à nouveau: on a le sourire et enfin c’est l’arrivée, sous l’arche de Montgenèvre!
C’est une victoire qui me procure beaucoup d’émotion, tant la pression a été forte. Je ne réalise pas trop que j’ai remporté l’épreuve, avec 2mn25 d’avance…
Crédit photo: PixelBike
Le protocole a lieu un peu plus tard: le maire de Montgenèvre appelle à une minute de silence et à entonner la Marseillaise, suite à la remise des maillots, pour rendre aux hommage aux victimes de l’attentat de Nice. C’est un moment fort.
Samedi, nous repartons déjà pour nos contrées bretonnes, car nous reprenons le travail lundi, et allons retrouver nos filles, avec le sentiment d’avoir accompli de belles choses, même si Phil aurait voulu mieux profiter de ses qualités de grimpeur (mais je suis sûre qu’avec un entraînement ciblé, il pourrait mieux se préparer pour ce type de championnat).
De mon côté, outre les lacunes techniques en descente qu’il faut que je travaille en VTT, il serait bon que j’apprenne à mieux gérer le stress: je me mets une pression démesurée pour des courses de vélo, alors que qu’au travail, j’aime cela et je sais toujours la transformer en énergie positive. Je vais finir par me mettre au yoga! :-)
Tout simplement Merci:
- à Stéphane Gourmelon, mon entraîneur, qui m’a tellement apporté depuis qu’on travaille ensemble et grâce à qui j’ai appris à repousser mes limites
- à Phil, toujours là pour moi
- à tous les bretons qui nous ont aidés et encouragés sur place (Team Pro Fermeture, Comité Bretagne)
- à Jean-Yves Conan et son équipe pour l’organisation de ce championnat de France et pour ce circuit exceptionnel
- à nos parents qui se sont occupés de nos filles cette semaine
- à Benoît pour les roues Asterion, toujours au top, et pour le cake au citron qui m’a réconfortée quand j’étais trop stressée :-)
- à nos amis et collègues qui nous soutiennent dans notre passion!
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